“ Easy Toog for beginners ” (2001)

1. L'échec de Pérec

Planté comme un rameau de supplice
Je me tiens place Saint-Sulpice
Il est midi et je t'attends
Je vois passer la vie des gens

Un enfant à pompon blanc
Sur son chandail un A géant
Une fille à courtes nattes
La poitrine un peu plate

Où es-tu, que fais-tu
Je me sens un peu perdu
Où es-tu, que fais-tu
Je me sens un peu perclus

Des Japonais en car Cityrama
La même fille dévore un baba
Un homme secoué par les tics
Ça vaut mieux qu'être paralytique

Passe un papa poussant poussette
Est-ce un baba, que je suis bête
Une petite fille, je vois qu'elle pleure
Encadrée par ses kidnappeurs

C'est ça l'échec de Pérec
Avoir voulu tout compter
C'est ça l'échec de Pérec
Avoir mis la vie de côté

Un homme sans pipe à sacoche noire
Une femme en veste de laine hilare
Il est treize heures et je t'attends
Je vois passer la vie des gens

Un homme tire la porte du café
Il tire au lieu de la pousser
Les scouts quittent la place en file hindoue
Mon œil fatigue, j'ai la vision floue

3. Mappemonde

Je veux qu'on parle de moi
Pour cela je suis prêt à faire affaire avec l'enfer
À faire n'importe quoi
De l'art ou de la politique
Maudire ou peindre des cartes postales
Je n'ai qu'un but dans l'existence
Devenir immensément dense

Nous pouvons refaire le monde
Assis autour d'une table ronde
Tout en buvant de la bière blonde
Libre court est donné à notre faconde

Maintenant que je peins sur des cartes postales grandeur nature
J'ai découvert ma vocation et combien l'art est pur
On peut même dire que je suis passé maître, en quelque sorte
Dans l'art de vous exécuter des natures mortes

Nous allons refaire le monde
Assis autour d'une mappemonde
Tout en buvant de la bière blonde
Libre court est donné à notre faconde

5. A new job

Il y a ceux qui travaillent, travaillent plutôt avec leurs os
Il y a ceux qui travaillent, travaillent plutôt avec les mots
Il y a ceux qui se lèvent de plus en plus tôt
Ceux-là mêmes n'ont jamais eu le pouvoir des mots

Il y a ceux qui potassent dans les mines de potasse
Il y a ceux qui potassent sans récolter le moindre sel
Il y a ceux qui engraissent les bêtes qu'on mène à l'abattoir
Il y a ceux qui engraissent sur le dos des Noirs

Ceux qui disent que l'immigré pique le travail ordinaire
Celui qui pique toutes les races, c'est le vétérinaire

À chaque jour suffit sa peine
Car chaque jour renaît une autre flemme (bis)

Il y a ceux qui travaillent dans les usines de jouet
Il y a ceux qui travaillent à répandre la paix
Les vendeurs qui s'affairent dans les boutiques de cadeaux
Les ministres savaient faire joujou au Kosovo

Il y a ceux qui travaillent, travaillent plutôt avec leurs os
Il y a ceux qui travaillent, travaillent plutôt avec les mots
Il y a ceux qui se lèvent de plus en plus tôt
Ceux-là même n'ont jamais eu le pouvoir des mots…

6. Pierre

Je n'attends personne, je suis bien
Au bord de la mer, je me tiens
Je lance des cailloux plats sur la crête des vagues
Je fais des ricochets maladroits

Tu dors sous la tente, sous le toit de toile
Tu entends le grondement de l'océan
Et moi j'essaie en vain d'atteindre l'horizon
Le dos poli au loin du caillou rond

Soudain le soleil a disparu
Une nuit brutale s'est répandue
Tu n'as rien remarqué car tu dormais
Tes poings serrés témoignaient des rêves qui t'agitaient

Je n'attends personne...

Dors, ne te réveille pas
Ce soleil mort, il renaîtra
Il fait nuit sous le soleil de midi
En plein mois d'août et en plein doute

Sur ta peau bronzé le soleil a tracé
Un alphabet étrange difficcile à déchiffrer
Ce rêve que tu faisais, c'est l'astre roi sous la tente
Dans le ciel il s'absente, car son amour te consumait

Pendant que tu t'offrais aux rayons ardents
Moi je lançais des cailloux blancs

Quand les pierres crieront, elles crieront Pierre
Ne te retourne pas
Pierre, tu es pierre, sur cette pierre
Je poserai ma tête

7. Sur le terrain de foot

Sur le terrain de foot, un joueur dans le doute
Encore une fois
Sur le terrain de foot, un joueur dans le doute
Ce joueur c'est moi

Que fais-tu en ce moment
Tu es avec lui
J'ai marqué contre mon camp
L'arbitre siffle un pénalty

Sur le terrain de foot, un joueur dans le doute
Encore une fois
Sur le terrain de foot, un joueur dans le doute
Ce joueur c'est moi

Il est sur toi comme une bête
Dans tous les sens
J'ai marqué de la tête
J'ai perdu connaissance

Dans mon demi-coma
Ta peau contre sa peau
Comme je suis sur le carreau
Tu me remplaces dans mon mailllot

Sur le terrain de foot, ça ne fait plus aucun doute
Je t'ai vu, c'est toi
Sur le terrain de foot, ça ne fait plus aucun doute
C'est toi qui joue pour moi

Tu as trompé le gardien
Avec le ballon
L'entraîneur t'aime bien
Tu tires des boulets de canon

Sur le terrain de foot, l'équipe adverse en déroute
Tu te donnes toute
Sur le terrain de foot, tous les joueurs, tu envoûtes
Et tu les écoutes: ils te disent

Après ton dernier shoot
Rejoins-nous sous la douche
Dans notre équipe de foot
On joue toutes les touches

8. Le bleu de tes yeux

Je t'ai tout donné, à toi seule mon amour
Je t'ai oui, tout donné, à toi mon seul amour
Je t'ai vendu ma chair comme preuve de mon amour
Je t'ai jeté mon cœur comme charogne au vautour

Bon an mal an, je m'étais fait à l'idée de ton argent
Tu me dis de changer de toit, je dois partir aux abois
M'en aller en auto-stop, aller vivre chez un pote
Lui fumer sa dernière clop
L'écouter se foutre de mon dernier flop

Nu nu, comme un ver, le banquier au derrière
Je marche à découvert, peur para-militaire
Je t'ai communiqué, de mon cœur le code secret
Bientôt tu découvriras qu'il n'y a plus rien pour toi

Je suis obsédé par ce que j'ai perdu
Mais ce qui me manque le plus, ce sont tes parties charnues
Je suis dépossédé, maintenant je n'ai plus rien
Mais je t'ai possédée dans la position des chiens

Bleu comme celui que je porte, comme je repeins la porte
De notre appartement, le tien, il est vide à présent
Le bleu de tes yeux, de ton pull ras du cou
Le bleu de la nuit claire, quand ont plu sur toi mes coups

10. Maîtresse

Je t'aime et tu résistes comme Salomé et Jean-Baptiste
Mon sort entre tes mains
Par un subtil hasard, tu m'as mené dans ton manoir
Mon premier faux pas
Dans la salle médiévale, un homme sans faculté mentale
M'a lié les bras
Ton nom est sans usage, ici chacun te dit maîtresse
Et je suis ton esclave

Ce nouveau jeu m'a plu, lorsque je suis revenu
Tu m'as mis nu
Mon sexe en érection, tu lui enseignes sa leçon
Le sang de la rançon
Connaissant ta coutume, je suppose et je présume
Que tu me manipules

Ta cruauté ton sadisme et ton penchant pour le saphisme
M'ont conduit par purisme, au masochisme
Je tremble et je grelotte, mon plaisir me vient d'une sotte
Qui m'a mis les menottes
Je gémis de douleur et je pleure jusqu'au délire
Et j'entends ton fou rire
Ton nom est sans usage, ici chacun te dit maîtresse
Et je suis ton esclave

La maîtresse et son esclave
L'esclave, en quête de sa maîtresse

Un coup de tournevis dans l'anus
Ton tour de vis me crée un infarctus
Tu creuses un trou profond dans mon dos
Que tu remplis de sable chaud
Tu me plantes un couteau dans la cuisse
Pour m'ajouter un orifice
Tu me baises en me serrant le cou
Entre nous l'amour est fou
Tu me baises en me serrant le cou
Criant qu'entre nous, l'amour soit fou

11. Talon aiguille

Aujourd'hui j'ai trouvé chaussure à mon pied
Voudrais-tu chaussure, vivre dans la démesure
Dans ma petite masure
Il te faut me chercher par des voies escarpées
Tout en haut d'une aiguille
Car je ne suis pas chaussure, je suis escarpin
Ou talon aiguille
On ne dit pas j'ai trouvé talon aiguille à mon pied
Car le talon aiguille, tout comme le tendon d'Achille,
C'est quelque chose de fragile…

Aujourd'hui j'ai trouvé celle que mon pied attendait

Aujourd'hui j'ai trouvé chaussure à mon pied
Voudrais-tu chaussure, partir à l'aventure
Dans ma petite voiture
Petite mais elle assure, une Fiat Panda c'est sûr
C'est commme une boîte à chaussure

Aujourd'hui j'ai trouvé celle que mon pied attendait
Ton pied va le prendre ailleurs

12 I comme Icare

Dans ma grande naîveté j'ai cru que l'on pouvait voler
Le vie a tôt fait de me détromper et je suis tombé
À la vitesse de la lumière
Je crois bien que tu exagères

Viens, suis moi écoute un peu ton père
Je t'enseignerai à dompter l'atmosphère
Ne pas approcher trop près l'éther
Rester stationnaire entre ciel et terre
Bien se garder de la chaleur
Sans quoi ton plumage s'en ira
Comme les pétales tombés d'une fleur
Tu connaîtras le monde

I comme Icare tes plumes se décollent
Au-dessus du volcan, tu vas tomber dedans
I comme Icare mes plumes se décollent
Au-dessus du volcan, je vais tomber dedans
Ce trou béant, je suis tombé dedans

Dans ma grande naîveté j'ai cru que l'on pouvait voler
Le vie a tôt fait de me détromper et je suis tombé
À la vitesse de la lumière
Je crois bien que tu exagères